Préparatifs de départ : 2

Shra s'était éclipsée discrètement de la forteresse des Amazones, et cheminait à présent à travers Rackaroch pour trouver le maréchal ferrant attitré des Amazones.
Elle le dénicha enfin dans le quartier commerçant. Il possédait un entrepôt assez spacieux avec box, et trois ou quatre apprentis travaillaient à ferrer des montures.
Elle entra, et se dirigea vers le patron.
"Qu'puis-je fair' pour vous mam'selle ?" demanda-t-il.
"Et bien, des nouveaux fers pour mon cheval avant ce soir me rendrait service."
La maréchal termina de clouter un fer à un bel étalon noir et se tourna vers celui de la jeune femme.
"Un beau jeun' homme qu' nous avons là." dit-il en lui caressant le chanfrein. "J'ai fini ave' cet étalon là, j'peux m'occuper du votr' si vous v'lez mam'selle."
Avant que la jeune femme ait pu répondre, un homme entra dans la pièce et toutes les personnes présentes regardèrent anxieusement le nouveau venu. Il s'avança vers le patron.
"Mon cheval ?"
Il avait une voix grave et profonde. C'était un chevalier de la lame noire d'où l'effet qu'il avait produit sur les jeunes artisans. Il était vêtu de noir donc Shra ne put pas vraiment discerner son visage, mais l'espace d'une demi seconde, il tourna son regard vers le sien et elle le croisa. Il était bleu, dur et froid comme l'acier. La jeune femme frissonna en pendant à ce que cet homme était capable. Il régla rapidement le maréchal et partit sans un mot. L'atmosphère se détentit. Le patron reporta son attention sur Talgwen.
"J'vais vous l'faire maint'nant."
Sur ce il se mit au travail, tendit que Shra le regardait faire avec patience.

Caileck venait juste de remonter en selle, et de longer la grande rue lorsque son cheval se remis à boîter. Il descendit de sa monture, et regarda de plus près le fer d'une des pattes arrières. Le fer était mal clouté. Il devait entreprendre un long voyage et cet idiot de maréchal avait mal fait son travail. Il retourna illico presto d'où il venait. Très énervé il defonça presque la porte de l'entrepôt, et se dirigea vers le maréchal en chef. Il le saisit fermement à la gorge.
"Mon cheval est mal ferré par ta faute. Tu as intérêt à réparer ton erreur sur le champ ou je te coupe les couilles."
L'homme délaissa l'étalon gris pour le noir. Caileck remarqua soudain la jeune femme adossée au mur. Elle le regardait méchamment.
"Un problème ?"

Shra n'aimait pas cet homme. Elle n'en avait pas peur au sens propre, mais le craignait tout de même quelque peu. Elle n'avait pas l'habitude d'approcher les hommes ayant une quelconque autorités et celui-la l'impressionnait.
"Mon problème c'est la façon que vous avez de vous comporter comme un sal con !"
Les autres autour d'elle blêmirent de peur, alors que lui resta stoïque, voir amusé.

Il fut tout d'abord tenté d'étrangler l'Amazone sur le champ, puis décida de contre-attaquer "aimablement" ce qu'on pouvait apparemment ne pas attendre d'une de ces femmes.
"Je suis désolée Damoiselle si je vous choque." dit-il sur un ton ironique en faisant une petite courbette théâtrale.
"Veuillez me reprendre si je me méprends, mais je croyais que les Amazones ne s'abaissaient jamais à adresser la parole à un homme. Elle préfère en faire des esclaves sexuels et des géniteurs."
Il ne put réprimer un sourire lorsqu'il la vit palir.

Les paroles du chevalier eurent le même effet qu'une grande giffle. C'est alors qu'elle comprit qu'elle allait devoir se heurter à la mauvaise réputation de ses pairs. Celle-ci n'était pas vraiment erronée puisqu'elle avait vu de ses propres yeux des hommes virils réduient à un état de bête sexuelle et des bébés mâles abandonnés au pied de la forteresse.
De son côté elle n'avait jamais participé à cette partie de la vie amazone, mais ne pouvait nier son existence. Elle s'avouait interieurement avoir honte de ces actes.
Elle jeta un regard noir au jeune homme. Il était beau, et viril. Des traits fins et de grands yeux bleus très froids. Il devait faire une tête et demi de plus qu'elle.
Elle se détourna de lui, essayant le plus possible de paraître méprisante histoire de sauver les apparences.

Sans pouvoir expliquer pourquoi il se sentit quelque peu honteux de l'avoir vexée.
Ce devait être ses yeux. Elle était belle certes, avec tout ce qu'il faut où il faut pour exiter un homme rapidement, mais ses yeux étaient incroyables. Magnifiques chacun de leur côté, réunient ils semblaient insoutenables.
Il s'approcha d'elle.
"Je ne m'excuserais pas pour ce que je viens de vous dire, mais avouez que vous l'avez plus ou moins cherché !"

Elle se retourna, agacée par le jeune homme. Mais avant qu'elle aie pu dire quoique ce soit, un jeune maréchal vint vers elle, la bride de Talgwen entre les mains.
"Votre cheval est prêt, mademoiselle."
Elle attrapa le cheval par la musolière, et tendit quelques pièces au jeune artisan. Au même moment le patron vint avec l'étalon noir, cette fois-ci bien ferré.
En regardant les sacoches pleines du cheval elle ne put s'empêcher de demander :
"Vous partez en voyage ?!"
Elle regretta de n'avoir pas su tenir sa langue.

Lorsqu'il la vit se mordre les lèvres il ne put s'empêcher de rire intérieurement. Ainsi il la troublait plus ou moins.
"N'Bel Heim. J'ai une mission là-bas."
Il regarda à son tour son chargement et en déduisit qu'il n'était pas le seul à quitter la ville.
"Et vous ?"

Une mission ? Parlait-il d'assassina ? Les chevaliers de la Lame Noire étaient réputés pour être des assassins sans remords.
"Je vais à Zarhall. J'ai l'intention de visiter Fusura."
Elle s'avança vers la selle de son cheval et resserra la sangle sans pour autant indisposer l'animal.
Puis elle se tourna à nouveau vers le jeune homme. Il avait une expression calme et indéchiffrable.

Zarhall ! Caileck en resta interdit quelques instants. Etait-elle donc assez stupide pour croire qu'elle survivrait l'espace d'une journée dans cette ville de fous. Amazone ou pas une femme n'avait aucune chance de survivre là-bas, et sûrement pas aussi jeune.
"Et bien je suis ravi de vous avoir connu avant que votre tête soit accrochée à l'une des entrée de cette cité maudite. Une enfant telle que vous ne survivra pas cinq minutes à Zarhall, j'espère que vous en êtes consciente avant de vous aventurer là-bas."
Il y avait de la cruauté et de la colère dans sa voix.
Il sortit de l'entrepôt, monta sur son étalon et partit au grand galop sans même lui accorder un dernier regard.